L'attente [corbeille :o]

Il suffit de regarder une chose avec attention pour qu'elle devienne intéressante pourtant, dans cette pièce froide, toutes les personnes présentes la scruta attentivement, sans relâchement, elle et ses aiguilles défilant dans le vide serein ... L'instant présent.



Troisième monde; limpide et cristallin. L'aurore apparaissait ... C'était une matinée divinement illuminée par cet orage de lumière omnipotent au front du ciel inaccessible. Ses rayons parvenaient à éblouir la ville paisible, apportant grâce à celle-ci. Un vent délicat, léger, signe d'une profonde et immortelle liberté, soufflait tel le soupir du Divin, le tout puissant. Une belle journée s'annonçait, une journée presque sans surprise; une journée intitulée Achéron. Cet établissement était lumineux, intelligible, réputé pour son efficacité, et sans doute, effrayant pour certains, où les immenses essaims d'espoirs étaient dispersés dans l'éther d'un seul battement de cœur. Une salle; celle de l'attente, durée sans seconde. Lieu de préoccupations, de chagrin et de crainte où les pensées fleurissent pour finalement faner comme l'espérance. Un étrange endroit où l'on perd la notion du temps, où les croyances fusent, où les certitudes sont bannies. La pureté des murs de cette clinique avait peut-être pour but d'alimenter les faibles espoirs cependant, cette clarté semblait comme celle du purgatoire, vaste et insondable où il est question de l'attente du jugement. Son attente à elle ... Était la réponse d'une évidence.



L'attente ignore et détruit ce qu'elle attend. L'attente n'attend rien et son pourrissement n'est rien d'autre que l'ennui et la jeune fille la vite compris. Les personnes présentes priaient, juraient et parfois pleuraient. Ce lieu si redouté permettait de se remettre en question et ainsi prendre du recul. Il n'y avait que cela de bienfaisant dans ce gouffre illimité. Cette salle était rejetée du monde extérieur avec un seul lien avec ce dernier : la pendule où défilaient sans cesse et inlassablement les minutes puis, les heures. La succube impuissante observa longuement celle-ci.



Troisième monde; inquiétant et morne. C'était un après-midi morose, nuageux et …

"Mademoiselle ... Sharon ? Suivez moi."

Cette personne âgée d'une trentaine d'années la fit traverser l'hospice pour finalement entrer dans une autre salle ... Terne ... Décidément ! Cet endroit possédait de multiples néons où on pouvait apercevoir quelques rares radiographies. Le médecin les alluma et partit de la pièce en fermant délicatement la porte. La jeune fille, sublime (son physique est semblable à celui-ci ), posa son sac onéreux sur une table proche des luminescences. La succube était vêtue d'une robe d'une blancheur exquise aux volets ondulés. Simple et tellement élégante signée Chanel. Son sac et ses talons étaient gris apportant un fin et délicieux contraste. Elle n'aurait pas dû ... En la voyant dans la couloir, pour ne pas dire tunnel, quelques patients ont cru apercevoir l'ange de la mort ... Elle n'aurait pas dû ... Un autre médecin entra. Il avait la cinquantaine, une blouse blanche et semblait attristé. Silencieux, le docteur sortit de ses dossiers surchargés une radiographie pulmonaire, la sienne. Il la déposa contre les clartés sereines avant de s'asseoir sur la table, les bras croisés, l'esprit détendu. Il la regardait, éclatante et splendide, d'un regard presque effacé et soupira longuement alors que sa patiente fixait cet abîme hagard, obscur, funèbre, illimité ... En effet on put observer une nette opacité à travers les néons. Une sombre clarté.

« Essaye encore. »
« Une nouvelle opération comme la dernière fois n'est pas envisageable, il y a beaucoup trop de ... risques ... Tu sais ... Je peux encore essayer de faire une radiothérapie ainsi qu'une chimiothérapie ... »
« Pour une fois dans ta vie Mark ... Dis la vérité à ton patient. » Dit-elle péniblement.
« Ton cas ... Enfin je veux dire que que tu es ... » Il marqua une courte pause avant d'avouer. « Tu es en stade final Sharon. Je suis désolé ... »
« Pas autant que moi. » Fit elle en soupirant.
« Tu ne comprends pas la situation ! Tu vas ... »
« Mourir ? » Coupa t elle en fermant lentement ses prunelles humides. Il baissa la tête. Un silence assourdissant régna dans la salle froide. Un long et pénible silence. Alors la succube se dirigea vers la table et prit son sac. Le docteur lui attrapa violemment son poignet. Elle lui cria de le lâcher mais rien ne se passa, l'étreinte fut toujours aussi douloureuse. Après maintes supplications il relâcha son poignet et la succube le gifla furieusement. Celle-ci emporta rapidement son sac.
« Mais quand vas-tu arrêter de fuir ... Kao ? »

L'écho du claquement de la porte se fit entendre dans toute la clinique, mais qu'importe. A l'entrée de l'hôpital il y avait une sorte de préau abritant la jeune fille de la pluie affligeante. Elle, avec sa clope entamée à la main dont le poignet était bleuté, observait les horizons pleins d'ombres luisant comme le songe et le vertige dans une profondeur d'éclair et de prodige. Une fumée nébuleuse envahissait lentement la nuit vermeille. Un fragile et instable équilibre. La succube avait certainement oublié que le tout puissant n’aurait qu’à souffler, et tout serait de l’ombre. Négligences ... Déchéance ... L'attente ignore et détruit ce quelle attend. L'attente n'attend rien.

La vie est l'attente de la mort. Troisième monde; lugubre et funèbre.
C'était une journée intitulée Achéron.


[pas d'inspi désolée pour les lignes, j'arrange ça au fur et à mesure :o]