Chagrin (Pv Kiki)

Après la perte de Cyril, Kuro s’était effondrée… Elle avait été inconsolable pendant longtemps, entamant une descente au plus profonds des enfers de son existence. Elle en était même venue à désirer la mort… Le côté le plus sombre de son âme lui murmurait sans cesse à l’oreille qu’elle ne ressentirait la paix que lorsqu’elle aurait mis fin à sa vie… Que la souffrance s’envolerait en même temps que son dernier souffle… Elle avait bien faillit écouter cette petite voix en elle, cette volonté sournoise de tout abandonner… mais elle ne l’avait pas fait. Des gens, des êtres merveilleux, ses amis… Voilà à qui elle devait la vie, à qui elle devait le courage qui lui avait permis de continuer sans celui qu’elle aimait tant. Peu à peu, elle avait remonté la pente, retrouvant finalement une vie à peu près normale… Elle avait réussit à laisser son chagrin de côté et avait même retrouvé ce sourire qu’elle avait cru perdu à tout jamais. Même si Cyril lui manquait terriblement, elle avait trouvé une autre raison de vivre, de nouveaux êtres à chérir.

Il y a quelques mois, l’existence qu’elle avait réussit à se construire s’était de nouveau effondré… C’était quand elle avait réalisé que Darren, ce jeune homme qu’elle considérait comme son frère, comme son meilleur ami, l’avait abandonné sans une seule explication… Il était parti, comme ça, sans qu’elle ne puisse soupçonner quoi que ce soit… Au début, bien évidemment, Kuro avait cru qu’il n’était pas parti pour très longtemps, mais les heures passèrent. Celles-ci se transformèrent en jours, puis en semaines pour finalement devenir des mois… L’elfe cessa d’espérer et finit par se dire qu’il était sans doute mort, ou du moins, qu’elle l’était devenue pour lui…

La jeune fille qui avait crut pouvoir compter sur Shadow pour s’en remettre, sur son vieil ami, fut d’autant plus anéantie lorsqu’elle réalisa qu’il était introuvable… Elle l’avait cherché partout, tout comme Darren d’ailleurs… Mais que s’était-il passé? Leur était-il arrivé malheur? Ou bien, la fuyaient-ils? Ces pensées étaient terriblement douloureuses et elles ne cessaient de revenir encore et encore…

Myaku, elle, était toujours là. Du moins, elle resta aux côtés de Kuro un bon moment… Malgré les attaques fréquentes, il était hors de question qu’elle ne se sépare de la fillette. Elle était tout pour elle, tout ce qui lui restait… Même si elles ne partageaient pas le même sang, même si elle n’était pas le fruit de ses entrailles, c’était sa fille et elle la protégerait au péril de sa vie. Malheureusement, vint une femme… Un femme qui malheureusement lui fit connaître la triste vérité. Myaku n’était pas en sécurité ici… Elle devait retourner chez elle, dans le futur… et… et elle ne la reverrait sans doute jamais. Malgré la douleur terrible qu’allait occasionner cette séparation déchirante, l’elfe avait cédé, laissant la petite partir…

Kuro avait essayé de tenir le coup, retenant ses larmes, gardant son chagrin enfermé au plus profond de son cœur… Oui, elle avait essayé de tout son être… Elle se refusait d’éprouver cette douleur, elle ne voulait pas la laisser la submerger comme autrefois. Elle devait être forte et tenir bon jusqu’à ce que tout s’arrange. Ce n’était qu’un cauchemar et elle finirait par se réveiller… Mais la délivrance ne vint jamais…

Maintenant au bord du désespoir, la jeune fille avait quitté sa demeure, se dirigeant aussi rapidement qu’elle le pouvait vers le seul endroit où elle trouverait le soutien qu’elle recherchait tant… Si elle s’effondrait de nouveau, elle ne le ferait pas là où elle pourrait sombrer à tout jamais. Elle ne voulait pas replonger dans les ténèbres de la souffrance et de la solitude, elle s’y refusait.

La Citadelle de la Lune d’Argent. Kiira. Son salut. Elle ne pouvait attendre plus longtemps… Elle sentait déjà les larmes lui monter aux yeux… Son pas se faisait de plus en plus presser. Sa respiration, elle, s’accélérait à mesure qu’elle approchait de la pièce où se trouvait son amie… Elle ne voyait plus ce qui l’entourait… Tout ce qu’elle fixait, c’était cette porte si lointaine, celle qu’elle poursuivait… Enfin, elle l’atteint, tournant la poignée et la poussant pour finalement courir jusqu’à celle qui venait de se levée, étonnée par l’intrusion soudaine… Kuro s’était effondrée dans les bras de son amie, libérant maintenant tout son chagrin. Elle n’était plus seule.

"Ah! Misère ! Qu'est- ce que là encore? Pourquoi donc les Achéens chevelus se bousculent-ils près des nefs et s'affolent-ils par la plaine?
Je tremble que les dieux n'achèvent les soucis si lourds à mon coeur qu'un jour m'a signifiés ma mère, en me disant que, de mon vivant même, le plus brave des Myrmidons, sous les coups des Troyens, quitterait l'éclat du soleil.
Oui, j'en suis sûr : le vaillant fils de Ménoetios est mort. Le cruel ! Je lui avais pourtant..." *

Un bruit de course, respiration sifflante, effrénée. La chef argentée leva les yeux du magnifique ouvrage relié des chants de l'Illiade et le posa sur la table. Elle eut tout juste le temps de se lever que déjà, quelqu'un entrait en trombe dans le hall et se dirigeait vers son bureau... Kiira s'avança vers la porte lorsque celle-ci s'ouvrit et une jeune elfe pénétra en trombe dans la pièce, se jetant dans ses bras.

La petite créature secouée de sanglot n'était autre que Kuro ; cette douce et tendre elfe que la princesse d'argent aimait par dessus tout. Un an plus tôt avait été leur rencontre, rencontre qui avait changé la vie de Kiira. L'elfe aux cheveux couleur océan l'avait sauvée de justesse d'une embuscade tendue par un groupe de démons, alors que la princesse était encore inexpérimenté et... insouciante. Un an s'était écoulé depuis leur rencontre, douze mois qui avaient marqué le début et le déroulement d'une belle et solide amitié.

Kiira savait énormément de la vie de Kuro. Ou dumoins cette dernière le lui avait-elle assuré. Et vice et versa. Même si cela faisait un moi entier qu'elles ne s'étaient pas vues, l'oubli n'était pas au rendez-vous. La jeune femme à la chevelure d'azur avait été présente pour "Kiki" aux rares moments où celle-ci s'était laissée aller au chagrin devant elle. Il en était allé de même pour l'autre, même si ces moments avaient été particulièrement rares, vu la maîtrise de soi et la force intérieure des deux créatures. Et pourtant, même le plus puissant des hommes ne pouvait garder éternellement la souffrance qui bouillait en lui. Et plus le temps passait, plus le mal se muait en torture intérieure... qu'il fallait libérer un jour.

Ce jour était venu ; et lorsque son amie se jeta dans ses bras grands ouverts, Kiira l'emprisonna dans son étreinte, posant doucement sa tête sur l'épaule de l'elfe. Silencieuse. Sa présence suffisait pour l'instant... La princesse posa doucement la main sur les cheveux céruléens de Kuro, caressent doucement les vagues soyeuses, emmêlées par sa récente course.

Elle resta ainsi quelques minutes, le temps que les larmes de Kuro qui ne semblaient pas vouloir se tarir disparaissent, et finit par souffler d'une voix calme qui se voulait rassurante :

"Je suis là, ma chérie."

Un instant d'hésitation. Chuchotement retenu par un sentiment de rancune envers la jeune femme... venant d'on ne savait où. Etrange ; vraiment très étrange. Diffuse incertitude...

*Tu mériterais de mourir, Kiira, pour douter de son amitié envers toi. Tu lui dois la vie. Tâche de ne pas l'oublier. Et qu'elle t'aime réellement ou pas, peu importe ; à toi de l'aimer pour deux.*

"Que t'arrive-t-il... Peux-tu en parler?"

Les yeux de la princesse étaient voilés par un mince rideau de larmes. Pleurs prenant leur source dans deux souffrances différentes. Et parmi elles, une dont elle avait honte.

* Homère, Illiade, chant XVIII, vers 2-31.

Peu de temps s’écoula avant qu’une étreinte d’un infini réconfort vienne apaiser un peu cette douleur qui la faisait tant souffrir depuis un bon moment déjà. Égoïste, voilà comment se sentait Kuro. Une part d’elle même se haïssait d’avoir osé venir déranger cette si douce et précieuse amie qu’était Kiira. Elle s’en voulait de la contraindre à supporter sa peine. Pourquoi n’était-elle pas restée chez elle? Pourquoi avait-elle infligé une scène aussi pitoyable à celle qu’elle appréciait tant? Parce qu’elle était faible, voilà tout… Parce qu’elle avait besoin d’une personne digne de confiance, d’une personne forte et surtout, d’une personne qui l’aimait autant qu’elle ne l’aimait. Lorsque les bras de l’elfe l’avait entourée, elle s’était sentie en sécurité… La solitude s’était envolée.

Kuro avait plongée sa tête dans le creux du cou de son amie, laissant ses larmes couler sans retenue. Ses doigts s’étaient refermés sur les vêtements de Kiira, comme si elle tentait désespérément de s’agripper à elle comme à une bouée de sauvetage. Elle sentait que si elle la lâchait, elle sombrerait inéluctablement dans les profondeurs du désespoir. La jeune fille avait également cette peur de voir cette si précieuse amie disparaître comme les autres. Mais c’était une peur si irrationnelle! Kiira n’était pas comme ça… Elle ne la laisserait jamais tomber, et l’inverse était aussi vrai.

Après un bon moments, les larmes commencèrent à se faire de moins en moins nombreuses pour finalement se tarir. Quelques rares sanglots secouaient encore les frêles épaules de l’elfe qui s’était calmée, tout comme son mal… Il était certain que sa tristesse ne s’était pas évaporée pour de bon, mais déjà, elle se sentait beaucoup mieux. La simple présence de son amie y était pour beaucoup. Un baume pour son cœur meurtri.

"Je suis là, ma chérie."

Cette déclaration chassa cette horrible impression qu’avait Kuro depuis déjà un bon moment… Celle d’être seule au monde. Après tout, la véritable solitude n’était-elle pas de se sentir seul parmi les autres? Kiira était bien là, prête à prendre soin d’elle, à la soutenir. Qu’elle amie misérable elle était de l’y contraindre…

"Que t'arrive-t-il... Peux-tu en parler?"
"Kiira… Oh, si tu savais combien je m’en veux… Pourras-tu jamais me pardonner d’être une amie aussi lamentable?"

Même si elle n’avait pas encore parlé de ce qui s’était passé, elle ne comptait pas éviter la question, mais bien la remettre à un peu plus tard. Après tout, elle serait vraiment ingrate de ne rien lui dire alors qu’elle venait de passer un bon moment à essayer de la consoler.

"J’espère que tu me pardonneras de t’avoir négligée toutes ces semaines… J’ai essayé de garder pour moi mes tourments, de garder ce chagrin au plus profond de moi… J’ai essayé, crois-moi… Chaque fois que je te voyais, j’avais envie de me confier, de me laisser aller à ma tristesse, mais je tenais bon… J’essayais de sourire, de tout te cacher. Je ne voulais pas que tu ais à me voir comme ça… Je suis tellement désolée… "

Kuro n’avait pas encore relâché les vêtements de son amie, tout comme elle n’avait pas totalement relevé la tête. Elle ne voulait pas croisé le regard de Kiira, elle ne voulait pas qu’elle voit son visage rougit par les pleurs.

"Si je t’ai négligée, c’est que je ne voulais pas m’effondrer devant toi… Je ne voulais pas que tu me vois comme une faible. Mais, c’était insupportable de retenir mes larmes, de souffrir en silence, seule. Pardonne-moi de ne pas avoir su me retenir… Mais j’avais tant besoin de toi, de ta compassion… Je ne suis qu’une égoïste. Je ne te mérite pas."

[*impressionnée par le talent de son écrivaine chérie* *O*]

Kiira contemplait avec tendresse et à travers le voile qui troublait ses prunelles grises l'ondulation azurée de la chevelure de son amie. Elle n'entendit pas les premiers mots d'excuse de son amie... Son esprit et sa raison s'étaient mués enune brume évanescente qui voguait dans les remous de l'océan de sa conscience, loins, égarés ; seule comptait pour elle l'étreinte de Kuro. Une Kuro qui s'accrochait à elle avec amour et désespoir.

Accroche-toi à ma peau Kuro, à ma chair. Saisis mes muscles et mes veines, afin qu'ils te soutiennent. Adosse-toi à mes os, ma chérie, à mon squelette ; il supportera ton infime poids ainsi que celui, bien plus lourd, de ta souffrance, ma belle.

"J’espère que tu me pardonneras de t’avoir négligée toutes ces semaines… J’ai essayé de garder pour moi mes tourments, de garder ce chagrin au plus profond de moi…

- Chérie, ne dis...

- J’ai essayé, crois-moi… Chaque fois que je te voyais, j’avais envie de me confier, de me laisser aller à ma tristesse, mais je tenais bon… J’essayais de sourire, de tout te cacher. Je ne voulais pas que tu ais à me voir comme ça… Je suis tellement désolée…"

La jeune femme allait répliquer quelques chose lorque Kuro reprit sa respiration, prête à continuer...

"Si je t’ai négligée, c’est que je ne voulais pas m’effondrer devant toi… Je ne voulais pas que tu me vois comme une faible. Mais, c’était insupportable de retenir mes larmes, de souffrir en silence, seule. Pardonne-moi de ne pas avoir su me retenir… Mais j’avais tant besoin de toi, de ta compassion… Je ne suis qu’une égoïste. Je ne te mérite pas."

Kiira comprenait ; comprenait parfaitement. Et lorsqu'Ereno était mort, la jeune Kiira avait pleuré toutes les larmes de son corps, seule, en haut de la montagne où elle avait grandi. Et elle avait pensé à Kuro ; oui. Elle avait eu envie de se réfugier dans ses bras, de déverser toute la colère, toute la tristesse, tous les ressentiments qui se bousculaient dans son esprit. Et elle s'était contentée d'attendre, plantée là, au sommet du plus haut mont de la chaîne Hivernale, à se faire la promesse qu'elle retrouverait son père, et qu'elle vengerait celui qui l'avait adoptée lorsque ce premier était parti. Oui ; elle comprenait parfaitement. Et chacune des accusations que s'inputait Kuro pouvait se retourner contre elle- même.
Chacune, des deux côtés, était habituée à contenir ses émotions et à prendre sur soi... Ce qui n'était pas toujours la meilleure choses à faire.

La princesse d'argent se sépara doucement de Kuro pour planter son regard dans le sien. Elle la fixa ainsi quelques secondes, les mains sur les épaules de sa jeune amie, l'incitant au silence, puis elle finit par ouvrir la bouche.

"Cesse de dire n'importe-quoi, Kuro. Quelle que soit pour toi la notion de faiblesse, elle est totalement dérisoire en ce qui me concerne. Ce qui compte est que je t'aime, et que je suis là n'importe où, n'importe quand pour toi ; pour écouter ta jolie voix, qu'elle soit légère ou voilée par la tristesse -non, laisse-moi finir !- j'aurais pu, moi aussi, j'aurais dû, venir te voir après notre dernière rencontre. Seulement parfois, des évènements interviennent dans votre vie, évènements imprévisibles et qui bousculent vos projets..."

Elle déposa un baiser sur la joue pâle et humide de l'elfe.

"Et ni la distance ni le temps ne changeront quelque chose à l'importance que tu as pour moi."

La chef argentée tira le fauteuil rembourré qui trônaît non loin de là, l'approchant de Kuro pour qu'elle s'assoie, aggripant pour elle-même une chaise de bois d'ébène qu'elle plaça juste en face de son amie.

"Raconte-moi tout."

Et bientôt viendrait le tour de Kiira de tout raconter. Mais plus tard. Plus tard. Elle ne garderait rien pour elle. Rien.
A présent, il n'y avait plus que la jeune elfe en face d'elle qui importait.

(Je continue de penser que tu as plus de talent que moi!)

Kuro, lorsque Kiira avait mis fin à leur étreinte, n’avait pas résisté. Elle l’avait laissé faire, comme si elle n’avait plus la force de faire quoique ce soit. Elle avait laissé les mots de son amie venir réchauffer son cœur, son être. Il n’y avait sans doute rien de plus réconfortant que cela, si ce n’était lorsqu’elle l’entourait de ses bras. Kiira avait cette facilité à s’exprimer joliment, à faire en sorte qu’une phrase ressemble à une harmonie. Ses mots étaient si apaisants…

Vint alors ce doux et furtif baiser qu’avait déposé son amie sur sa joue encore humide de ses larmes. Pendant un bref instant, les délicates lèvres rosées avaient effleuré sa peau… Ce geste témoignait de toute l’affection et de toute l’amitié qu’éprouvait Kiira pour la jeune fille. Du moins, c’était ce que cela lui inspirait… Et, Kuro devait l’avouer, c’était réciproque. Elle aussi tenait beaucoup à Kiira et à leur amitié…

Son amie avait alors tiré un fauteuil pour qu’elle s’y assoit, s’installant devant-elle sur une chaise d’ébène. L’elfe s’était assise, la regardant, ne sachant pas tellement par où commencer… Même si elle lui avait déjà parlé de Darren, tous les deux ne s’étaient pas vraiment rencontrés… Ils s’étaient peut-être déjà croisé, mais Kuro n’en avait pas le souvenir. Pour ce qui était de Myaku, Kiira l’avait déjà vue quelques fois… Même que la fillette l’avait bien aimée.

"Tu te rappelles Darren…? Tu sais, le vampire qui vivait avec moi… Et bien, lui et moi étions très proches. Je dois t’avouer que je m’étais même parfois demandé si je n’éprouvais pas plus que de l’amitié envers lui. Mais bon… Il était surtout comme le grand frère que je n’avais jamais eu. C’était un ami merveilleux malgré ses défauts, malgré ses faiblesses… Tu sais, il m’avait beaucoup aidé après la mort de Cyril. Lui même étant plongé dans le deuil de sa sœur, nous nous sommes soutenus."

Kuro se rappelait encore la nuit où elle l’avait découvert… Il était plongé dans une rage meurtrière, tuant tout ceux qui avaient le malheur de se trouver sur sa route. Bien évidemment, au début, elle avait voulu le tuer pour l’empêcher de faire plus de mal, mais elle avait finalement appris la raison de sa colère. Lorsqu’elle l’avait accueillit chez elle, il avait totalement changé… Il était devenu quelqu’un de bien. Quelqu’un qu’elle avait aimé.

"Je me suis réveillée un matin en découvrant qu’il était parti… Il n’avait pas laissé de mot, il ne m’avait rien dit. Au début, je croyais qu’il reviendrait d’ici quelques jours, mais il n’est jamais revenu… Je me suis sentie abandonnée… Lui aussi était parti…"

C’était comme s’il avait voulu la fuir, s’éloigner d’elle. Qu’avait-elle fait de mal? Que lui reprochait-il?

"Je me suis sentie responsable encore une fois… Que penserait Myaku? Qu’est-ce que je lui dirais quand elle me demanderait où était Darren? Je crois qu’elle l’aimait autant que moi je l’aimais… et qu’elle en a elle aussi souffert. Je dois t’avouer que ça aussi, ça m’a brisé le cœur. Mais elle, elle était là. Je ne pouvais pas me laisser aller au chagrin, je ne pouvais pas pleurer. Elle avait besoin d’une mère forte, elle avait besoin de moi."

Myaku avait été un vrai rayon de soleil dans sa vie, une petit être plein d’amour et d’innocence. Elle l’avait réellement considérée comme sa propre fille, prête à tout pour elle, pour la voir sourire…

"Comme si ce n’était pas assez, on me l’a enlevée… Où, plutôt, je l’ai laissée partir. Parfois, je me dis que je n’aurais pas dû, mais c’était pour son bien… Elle n’était plus en sécurité ici, avec moi. Du moins, c’est ce que l’on m’a dit. Et puis, elle devait retourner d’où elle venait, retourner auprès de sa vraie mère."

Une nouvelle larme perla sur la joue de l’elfe, alors qu’elle baissait le regard pour fixer le sol. Elle était plongée dans son souvenir de la séparation… Elle se revoyait retenir ses larmes, regardant la petite en pleurs qui lui demandait pourquoi elle ne voulait pas la garder avec elle… Ça avait été extrêmement difficile à supporter…

"Tu sais, quand on est venu la chercher, elle m’a demandé pourquoi je ne voulais plus d’elle…"

"Tu te rappelles Darren...?[...]"

Oh oui, elle s'en rappelait. Sa chère Kuro lui en avait tellement parlé... Il était si important à ses yeux, et lorsqu'elle parlait de lui, sa voix était pleine d'un sentiment que Kiira n'avait eu aucun mal à identifier... Il avait été là pour la soutenir, malgré le fond de son âme profondément ancrée dans le Mal. Car elle avait su dompter le côté bestial et extrêmement violent du vampire, et en faire un ami... et l'aimer. il avait été son frère, et même un temps le père de la petite Myaku dont Kiira se souvenait parfaitement. Cette petite poupée frêle et adorable, qui avait tendrement fait sourire l'elfe d'argent à maintes occasions... Elle se rappelait même l'avoir prise dans ses bras sous le regard attendri de sa chère Kuro.

Et il était...parti? Voilà donc la raison de cette absence si longue... Il l'avait abandonnée, lâchement, égoïstement... la laissant seule face à sa souffrance, face à son désespoir... Mais non, elle n'était pas réellement seule : Kiira était là ; seulement, l'elfe aux cheveux azur n'était pas venu la voir. Dumoins pas directement. Elle s'était contentée de contenir son déchirement, afin de ne perdre ni la face devant sa petite fillette, ni devant la seule véritable amie qu'il lui restait.

Et on lui avait enlevé Myaku. Sa véritable mère était venue frapper à la porte de la jeune femme pour...lui arracher celle qu'elle avait recueuillie avec tant de bonté. Celle à qui elle s'était tant attachée. Celle qui avait fini par devenir son enfant. Envolée.

"[...]auprès de sa vraie mère.
- Tu as bien fait, ma chérie...
- Tu sais, quand on est venu la chercher, elle m'a demandée pourquoi je ne voulais plus d'elle..."

De beaux et grands yeux bleus océan emplis de larmes toutes prêtes à recommençer à se déverser sur les joues pâles et douces de l'elfe. Kiira se leva pour s'asseoir sur l'accoudoir du gros fauteuil sur lequel était assise son amie. Elle se pencha alors, tout près de son visage, pour lui chuchoter, droit dans les yeux, des mots pleins de tendresse.

"Ma chérie, ne regrette rien. Tu as fait le bon choix... La nature est ainsi ; et la douleur fait partie de la vie. Quoique tu aies été obligée de faire, ne le regrette pas. Chaque soir, avant de s'endormir, la petite Myaku te souhaite bonne nuit. Et elle continue de t'aimer comme tu l'aimes, un amour et une reconnaissance infinis pour toi, qui a été l'ange qui a éclairé sa vie. Aux côtés de Darren..."

Darren. Darren... Si elle avait pu l'étrangler à la seconde présente... De quel droit l'avait-il abandonnée sans aucune explication, sans même un au revoir ? Pourtant lorsqu'elle parla de lui, la voix de Kiira ne portait aucune once de haine, juste de la tendresse et de l'amitié.

"Tu sais, je suis persuadée qu'il n'a pas décidé de partir sans être déchiré. Il t'aimait, ma chérie ; d'ailleurs, qui pourrait ne pas aimer un être aussi merveilleux que toi? Peut-être... Peut-être... Je ne sais pas, ma Kuro, mais il y avait forcément une raison. Une raison qui visait à te faire du bien..."

Kiira s'approcha et déposa un deuxième baiser sur la joue de l'elfe, essuyant au passage une larme tiède serpentant sur ses pommettes rosées...

"Il reviendra."

*Je te le promets* espéra-t-elle en silence.

"Tu as bien fait, ma chérie..."

Et si c’était le cas… pourquoi était-ce aussi douloureux? Pourquoi avait-elle l’impression d’avoir commis une terrible erreur? Pourquoi le regrettait-elle autant? C’était si injuste…

"Ma chérie, ne regrette rien. Tu as fait le bon choix... La nature est ainsi ; et la douleur fait partie de la vie. Quoique tu aies été obligée de faire, ne le regrette pas. Chaque soir, avant de s'endormir, la petite Myaku te souhaite bonne nuit. Et elle continue de t'aimer comme tu l'aimes, un amour et une reconnaissance infinis pour toi, qui a été l'ange qui a éclairé sa vie. Aux côtés de Darren..."

Ces mots étaient empreint d’une douce tendresse et, lorsque Kiira les avait chuchotés, elle s’était penchée vers Kuro, son visage près du sien. Si seulement ce qu’elle disait était la vérité absolue… Si seulement tout était absolument vrai… Mais elle doutait que Myaku lui ait pardonné cet abandon. Elle se demandait cependant à quel point la petite pouvait lui en vouloir pour cela… Peut-être finirait-elle par l’oublier… Peut-être ne se rappellerait-elle plus les moments passé avec celle qui l’avait accueillie pendant plusieurs mois… Ce serait peut-être mieux si elle oubliait tout…

"Tu sais, je suis persuadée qu'il n'a pas décidé de partir sans être déchiré. Il t'aimait, ma chérie ; d'ailleurs, qui pourrait ne pas aimer un être aussi merveilleux que toi? Peut-être... Peut-être... Je ne sais pas, ma Kuro, mais il y avait forcément une raison. Une raison qui visait à te faire du bien..."

L’elfe avait gardé le silence un moment, laissant une larme perler sur sa joue. Son amie s’était alors approchée, déposant un autre doux baiser sur sa joue.

"Il reviendra."
"Tu as sans doute raison ma chérie… Je dois me reprendre… Je dois… Je dois redevenir celle que j’étais et les attendre tous les deux. Parce qu'ils reviendront... Et ce serait idiot qu’à leur retour, ils ne découvrent qu’une loque, pas vrai...?"

La jeune fille n’était pas vraiment convaincue par ses propres paroles, mais elle savait qu’elle ne pouvait pas se laisser dépérir. Elle devait redevenir celle qu’elle avait autrefois été, redevenir cette fille qui, même quand tous avaient perdu espoir, tenait bon. Elle devait redevenir celle sur qui l’on pouvait s’appuyer en cas de besoin…

*Et je ne veux surtout pas être un fardeau pour toi…*

Sur ce, elle s’obligea à sourire. Il était un peu maladroit et teinté d’une légère tristesse, mais il se voulait réconfortant… Kuro tenait à montrer à Kiira que ça allait mieux, que maintenant, après avoir parlé, après avoir été réconfortée, elle arriverait à surmonter son chagrin. Elle n’avait pas oublié sa tristesse, mais maintenant, il y avait autre chose dans la balance…

"Kiira, ma chérie… Qu’est-ce que je ferais sans toi?"

L’elfe avait alors caressé la joue de son amie de sa pâle main délicate.

"Jusqu’à présent, je n’ai pensé qu’à moi… Mais toi… est-ce que ça va?"

Après tout, Kuro n’était pas la seule à avoir des sentiments. Kiira aussi pouvait souffrir, elle aussi avait ses problèmes… Si elle avait eu la bonté de l’écouter, alors, elle aussi devait le faire… C’était la moindre des choses! Elle avait déjà assez honte de n’avoir pensé qu’à elle, de s’être montrée aussi égoïste… Mais elle voulait vraiment savoir comment son amie allait.

Une chappe de fatigue s'abattit sur l'elfe d'argent alors qu'elle s'était à nouveau éloignée du visage de son amie.

"Tu as sans doute raison ma chérie… Je dois me reprendre… Je dois… Je dois redevenir celle que j’étais et les attendre tous les deux. Parce qu'ils reviendront... Et ce serait idiot qu’à leur retour, ils ne découvrent qu’une loque, pas vrai...?"

Kiira secoua la tête. Kuro ne changerait décidément jamais. Toujours réfléchir du point de vue des autres, par les autres, pour les autres. ne compendrait-elle jamais qu'il n'y avait rien de mauvais à se laisser aller à pleurer, à rechercher du soutient chez les personnes que l'on aimait. Ne saisirait-elle jamais que celles-ci étaient là pour l'aider à apaiser ses souffrances, à supporter le chagrin qui la rongeait ainsi ? Elle s'apprêtait à répliquer lorsque son amie lui offrit un sourire. Faux et forcé. Autant dire inexistant.

"Je t'aime." souffla Kiira.

Et de fins et longs doigts vinrent effleurer sa joue pâle, alors que la jeune femme aux cheveux azur lui soufflait une phrase qui lui fit chaud au coeur. Elle avait eu tort de pouvoir douter, ne serait-ce qu'un seul instant, qu'une infome seconde, de l'affection que lui portait celle qui la regardait tendrement de son regard céruléen.

"Jusqu’à présent, je n’ai pensé qu’à moi… Mais toi… est-ce que ça va?"

Non, cela n'allait pas. Oui, tout allait à peu près bien ; cela aurait pu être cent fois pire. Elle tenait le coup, et elle avait cédé. Contradiciton totale.

"Ereno est mort. Durant l'attaque de la Citadelle par les vampires, il a été tué."

Elle ne prononça mot sur la façon dont elle avait assisté à la scène, pas plus qu'elle n'exposa qui avait assassiné son mentor, conseiller et père adoptif. Elle ne parla pas non plus de la promesse qu'elle s'était faite alors qu'elle contemplait, assise au sommet du plus haut glacier de la chaîne Hivernale, le soleil décliner dans un horizon teinté d'une brume sanglante. Mais elle n'en pensa pas moins. Elle le retrouverait. Elle le retrouverait, et elle le tuerait. Quoiqu'il fasse, où qu'il soit, si le coeur de Dark Shinjin battait encore sur l'une des planètes de cet univers haut en couleurs, elle finirait par retrouver sa trace ou croiser son chemin.

Et ce dernier ne resterait pas un beau et sombre sentier délicieusement sinueux, mais une grave et large route recouverte de sang. Vengeance.

"Mais il reste vivant, dans mon coeur."

Vivant, tout aussi ardemment que cette profonde haine contre celui qui avait tué le seul parent qui lui restait. Contre celui qui l'avait trahi, elle, sa fille. Tristesse. Incompréhension.

Une larme s'attarda sur sa pomette blanche pour glisser le long de la courbe de sa joue.

"Ereno est mort. Durant l'attaque de la Citadelle par les vampires, il a été tué."

Cette révélation fut un choc. Kuro ne s’attendait surtout pas à cela. Si seulement elle avait su… Mais bon, elle ne pouvait revenir en arrière. C’était maintenant qu’elle montrerait à Kiira qu’elle serait là pour elle quand elle en ressentirait le besoin, maintenant qu’elle devrait se montrer à la hauteur de son amitié.

"Mais il reste vivant, dans mon cœur."

C’est alors qu’une larme perla sur la joue de son amie. Cette vision lui sembla insupportable… Soudainement, Kuro s’était levée, entraînant son amie avec elle. Elle l’avait alors emprisonnée dans une douce étreinte. Ça avait été plus fort qu’elle, comme un réflexe… C’était la seule chose qu’elle avait eu envie de faire à cet instant précis… Serrer contre elle cette si précieuse amie… Elle ne l’avait pas fait assez souvent lui semblait-il… Pourquoi toujours attendre ce genre de moments pour montrer aux autres que l’on tient à eux?

"Je suis désolée ma chérie… Tellement désolée…" lui avait-elle murmuré à l’oreille d’une voix pleine de remords.

Que pouvait-elle dire d’autre? Peu importe les mots qu’elle lui soufflerait, ça ne ramènerait jamais cet être qui lui avait été si cher… Si seulement tout avait pu être autrement. Mais elle, elle n’avait pas été là, elle n’avait pas pu faire quoique ce soit. Elle n’avait pas non plus été là après, pour consoler sa chérie. Non, elle s’était égoïstement enfermée chez elle. Maintenant, ce serait différent.

"Si jamais tu ressens le besoin de parler, ou de simplement pleurer sur l’épaule de quelqu’un, je suis là… Je le serai toujours à présent. D’accord?"

Il n’était plus question qu’elle s’apitoie sur son sort. Elle l’avait fait trop longtemps… Oui, elle avait eu mal, mais elle n’était pas la seule. Certaines personnes souffraient beaucoup plus qu’elle. Et puis, il y avait déjà fort longtemps qu’elle n’était plus une enfant. Elle devait tout faire en son pouvoir pour devenir celle qu’elle avait toujours rêvé d’être, pour devenir un exemple pour son peuple.

"Et sache que je t’aime aussi… De tout mon être."

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